29-06-2024

Tribune du Conseil Scientifique de l’Éducation Nationale

« Nous croyons dans le potentiel de chaque enfant, quels que soient son genre, sa langue, ses origines, le niveau social ou économique de sa famille, en situation de handicap ou non. »

Les membres du Conseil Scientifique de l’Éducation Nationale ont corédigé et signé une tribune qui a été publiée dans le Monde le vendredi 28 juin 2024.

Ce texte a pour objectif de rappeler la position de ses membres.

Notre présidente, Caroline Huron, en est signataire. Elle appartient à ce conseil depuis sa création, en tant que coordinatrice du groupe « situations de handicap / inclusion ».

Vous en trouverez le texte intégral ci-dessous et sur le site du CSEN :

« Lorsque les idéologies envahissent les esprits, les scientifiques ont le devoir de s’engager pour appeler à la prise en compte de la réalité et des faits.  »

Tribune

Collectif

L’ensemble des membres du Conseil scientifique de l’éducation nationale, dont l’économiste Philipe Aghion et le sociologue Gérald Bronner, réaffirment leur indépendance et rejettent toute forme de xénophobie et d’exclusion scolaire.

Publié hier à 16h00 Temps de Lecture 3 min.

Au sein du Conseil scientifique de l’éducation nationale (CSEN), nous sommes une trentaine d’universitaires, de chercheuses et chercheurs de tous domaines à avoir accepté avec enthousiasme de mettre nos connaissances au service des élèves, des enseignantes et enseignants, et des cadres de l’éducation nationale. Pourquoi avons-nous choisi de nous engager, bénévolement, dans un travail exigeant, de longue haleine, et exposé à la critique ? Parce que nous partageons un ensemble de valeurs.

Nous croyons à l’épanouissement de chaque enfant, d’où qu’il vienne. Nous connaissons l’importance de l’éducation dès le plus jeune âge. Nous croyons dans le potentiel de chaque enfant, quels que soient son genre, sa langue, ses origines, le niveau social ou économique de sa famille, en situation de handicap ou non.

Rejetant xénophobie, racisme et toutes formes d’exclusion scolaire, nous affirmons le droit à l’éducation pour tous, inscrit dans la Constitution. Nous respectons la diversité des trajectoires scolaires, mais nous savons que les rêves des élèves sont parfois bridés par les difficultés qu’ils rencontrent dans le système scolaire.

Nous sommes préoccupés par l’impact considérable des inégalités sociales sur la réussite scolaire des élèves. Des solutions existent pour favoriser leur réussite, leur bien-être et leur bien-vivre dans une société mixte et apaisée, et nous travaillons pour qu’elles soient évaluées, diffusées et mises en œuvre à l’échelle de notre pays. En étant résolument du côté des élèves, nous sommes tout autant du côté des enseignantes et des enseignants.

Ne pas abandonner l’école de la République

Dans l’accomplissement de leur mission si belle et si difficile, nous savons que, par rapport à beaucoup d’autres pays, les enseignants français sont moins bien rémunérés, plus isolés et bénéficient moins souvent de formations de qualité au cours de leur carrière. Avec l’appui de nos connaissances scientifiques, nous tentons de leur apporter des outils en lien avec leurs pratiques et de les aider à expérimenter et à évaluer leurs actions. Nous croyons aussi en la science. Nos propres recherches et celles de centaines de laboratoires dans le monde montrent que les apports de la science peuvent aider à réduire les inégalités scolaires.

L’analyse scientifique fondée sur les données probantes, l’expérimentation rigoureuse et la comparaison internationale sont autant de leviers qui doivent être mis au service des élèves et de leurs enseignants. Menée avec intégrité et patience, appuyée sur des sources vérifiables, la recherche scientifique peut éclairer les décisions publiques. Elle sait également dire ce qu’elle ne sait pas, avec humilité, et, lorsque c’est le cas, attendre des décideurs qu’ils admettent la part du doute et soutiennent de nouvelles recherches avant d’engager notre pays dans une direction dont toute une génération pourrait pâtir.

Puisque ces valeurs sont aujourd’hui menacées, notre société a plus que jamais besoin de science. Lorsque les idéologies envahissent les esprits, les scientifiques ont le devoir de s’engager pour appeler à la prise en compte de la réalité et des faits. Nous sommes donc résolus à ne pas abandonner l’école de la République. C’est pourquoi nous, membres du Conseil scientifique de l’éducation nationale, nous engageons à poursuivre en toute indépendance notre action en faveur des élèves, des enseignants et des cadres de l’éducation nationale. Nous le ferons avec l’aide de tous ceux qui partagent ces valeurs – mais aussi résolument contre toutes les idéologies qui les piétinent.

Les signataires sont tous les membres du CSEN : Philippe Aghion, professeur d’économie au Collège de France ; Pascal Bressoux, professeur de sciences de l’éducation à l’université Grenoble-Alpes ; Gérald Bronner, professeur de sociologie à l’université de Paris ; Anne Christophe, directrice de recherche au CNRS en psychologie cognitive ; Nuno Crato, professeur de mathématiques à l’université de Lisbonne ; Jérôme Deauvieau, professeur de sociologie à l’Ecole normale supérieure ; Stanislas Dehaene, président du CSEN et professeur de psychologie cognitive expérimentale au Collège de France ; Ghislaine Dehaene-Lambertz, directrice de recherche au CNRS en sciences cognitives ; Marc Demeuse, professeur de psychologie et sciences de l’éducation à l’université de Mons ; Rodolphe Durand, professeur de stratégie et théorie des organisations à HEC Paris ; Eric Guilyardi, directeur de recherche au CNRS en océanographie et climatologie ; Marc Gurgand, directeur de recherche au CNRS en économie ; Pascal Huguet, directeur de recherche au CNRS en psychologie sociale ; Caroline Huron, psychiatre, chargée de recherche à l’Inserm ; Stéphanie Mazza, professeure de neuropsychologie à l’université Lyon-I ; Monica Neagoy, didacticienne et consultante en mathématiques ; Elena Pasquinelli, responsable de la recherche et de l’évaluation à la Fondation La Main à la pâte ; Joëlle Proust, directrice de recherche émérite au CNRS en philosophie ; Franck Ramus, directeur de recherche au CNRS en sciences cognitives ; Luc Ria, professeur de sciences de l’éducation à l’Institut français de l’éducation de Lyon ; Emmanuel Sander, professeur de sciences de l’éducation à l’université de Genève ; Elizabeth Spelke, professeur de psychologie à l’université Harvard ; Liliane Sprenger-Charolles, directrice de recherche émérite en linguistique et psycholinguistique ; Camille Terrier, professeur d’économie à l’université Queen Mary de Londres ; Jill-Jênn Vie, chargé de recherche à l’Inria en informatique ; Johannes Ziegler, directeur de recherche au CNRS en psychologie cognitive.

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